Militante écologiste et antiraciste, pleinement engagée dans les luttes pour l’égalité hommes-femmes et le droit à l’avortement, elle est l’une des plus grandes artistes du XXe siècle. Elle accompagna les évolutions sociétales et artistiques de son époque à travers sculptures, installations ou encore peintures hautes en couleur : c’est l’audacieuse Niki de Saint Phalle.
L’art au service du combat féministe
Dans les années 60, Niki de Saint Phalle (1930-2002) est l’une des rares femmes à trouver sa place dans le domaine patriarcal de l’art et à rejoindre le mouvement du Nouveau Réalisme. Dans son œuvre, elle ne cesse de remettre en cause la place de la femme dans la société, ainsi que dans l’histoire de l’art.
À partir de 1964, l’artiste franco-américaine rejette les canons de beauté de l’époque et se réapproprie des figures divines de la préhistoire : les Vénus ! Elle réalise ainsi sa série phare : les Nanas, des danseuses monumentales investissant l’espace public. Ces sculptures Pop Art représentent la femme contemporaine, libre, joyeuse, puissante et à l’aise dans son corps. Elle va même plus loin avec ses Nanas noires qui évoquent la difficulté des personnes de couleur à s’imposer dans un monde dominé par les blancs.
Niki défend ses idées jusque dans les médias où, en 1965, elle remet en place un journaliste sexiste qui lui pose plus de questions sur son rôle de « ménagère » que d’artiste. Notons que jusqu’en 2000, des critiques d’art attribuent certaines de ses œuvres à son mari Jean Tinguely avec qui elle co-réalisa la Fontaine Stravinsky (1983).
Pionnière de la communication sur le SIDA
Quand nous parcourons l’œuvre de Niki de Saint Phalle, nous faisons également face aux événements dramatiques de sa vie, notamment au virus du sida qui emporta nombre de ses amis.
C’est aux prémices de l’épidémie, dans les années 80, qu’elle commence à élaborer des œuvres sur le sujet et à prendre la parole dans les médias pour en faire la prévention. Ainsi, elle réalise La Peste (1985), Vive l’Amour (1990), divers flyers, affiches, couvertures et des timbres « Stop Sida » pour la poste suisse.
En plus de ces moyens de communication, elle écrit et illustre le livre Le sida, tu ne l’attraperas pas… (1990) en collaboration avec l’Agence Française de Lutte contre le Sida. Dans la première partie, elle y rédige une forme de lettre affectueuse destinée à ses enfants qui explique ce qu’est le VIH. Puis, dans la deuxième partie, elle évoque son soutien aux malades, les gestes préventifs, les centres de soins et y déconstruit les clichés homophobes.
L’œuvre d’une vie : Le Jardin des Tarots
© Bouger et Voyager
Inspirée par le Parc Güell de Gaudí (1900-1914), Niki de Saint Phalle fait émerger en plein cœur de la Toscane un lieu coloré et hors du temps, un refuge où méditer et voyager : le Jardin des Tarots !
Aidée par Jean Tinguely et une équipe de sculpteurs et céramistes, elle réalise 22 structures monumentales représentant les arcanes majeurs du Tarot de Marseille et recouvertes de mosaïque. Niki vécut même dans l’Impératrice pendant plusieurs années avant d’inaugurer son Jardin en 1998, après 20 ans de travail !
Mais comment a-t-elle financé ce gigantesque projet ? Grâce à ses talents d’entrepreneuse et de communicante !
En 1982, l’artiste commercialise son propre parfum avec la société Jacqueline Cochran. Niki dessine le flacon et orchestre avec brio l’événement de lancement à New-York : elle invite l’iconique Andy Warhol, porte une robe signée Marc Bohan, directeur artistique de Dior, et parvient à récolter plus d’un million de dollars !
Figure artistique incontournable du XXe siècle, Niki de Saint Phalle a su communiquer et exprimer ses opinions politiques à travers ses réalisations et les médias. Son œuvre trouve sa force dans la ferveur de ses engagements ainsi que dans les événements dramatiques de sa vie (mort, inceste, violence…). Elle se présente comme une artiste avant-gardiste, bousculant les codes de son époque et annonçant les évolutions de notre génération aussi bien sociétales qu’artistiques.
Marine KLEIN
Documentaire biographique et rétrospectif de l’oeuvre de Niki de Saint Phalle